Les remerciements prendront la forme d’un récit, une manière pour moi de vous conter le chemin parcouru pour que cet heureux jour advienne. Tout commence en 2006 en Chine. J’y découvre le tissage de la soie. Je tombe amoureux d’une technique. J’ai alors 25 ans et je veux rentrer en France pour apprendre à tisser. Merci Internet, qui m’indique qu’un stage d’initiation à la tapisserie est possible pendant trois semaines à Aubusson avec. J’atterris au camping d’Aubusson, c’est l’été et je suis ravi de m’immerger dans cette atmosphère de complicité féminine qui m’avait tant plu en Chine. Je repars à Toulouse avec toutes les bases pour tisser en amateur après avoir fait l’acquisition d’un petit métier portatif. Merci France-Odile. Je ne serai peut-être pas là aujourd’hui sans toi. Des années passent. Tu as quand même de mes nouvelles de temps en temps. J’ai besoin de fil de chaîne, de barres de lices, de quelques conseils et puis un jour, je veux changer de métier à tisser pour gagner en confort mais surtout en dimension de tissage. Je débarque à Felletin pour y acheter un métier deux lames. Commence alors une petite production personnelle. Les circonstances de la vie me permettent alors de ne travailler qu’à mi-temps dans l’entretien de jardin. Le reste du temps, je peux me concentrer sur le tissage. Le temps passe, j’explore de moins en moins le tissage sur métier et un peu plus le tissage spirituel, entre l’orient et l’occident, les influences se croisent. Le tissage reste pour moi un mouvement fondamental, structurant pour celui que je deviens. En tout cas, j’ai essayé de l’incarner. Je me suis mis à croire intimement que le tissage offre l’image par excellence de la relation authentique, vraie et féconde. Tissage entre les coeurs, les mémoires, les sensibilités, etc. Bon, le tissage des coeurs, c’est bien, mais pour pleinement en prendre conscience, rien de tel que de croiser vraiment des fils. J’ai quand même besoin de voir, de toucher, de goûter à ce croisement effectif, concret, immédiat. Et puis souviens-toi Aleth, des signes tout au long du chemin, nous avons quand même habité à la Croix-Rousse à Lyon, dans le quartier des Canuts, rue Jacquard, pendant trois ans, à côté peut-être de la seule église au monde où on peut voir un homme qui tisse sur le tympan, à côté du Christ. J’entrevoyais alors que les deux dimensions du tissage qui m’attiraient, autant l’une que l’autre, pouvait être réunies. Je ne savais pas encore comment exactement. Parmi tes nombreuses qualités, j’apprends que tu connais la Creuse, un petit village, Magnat l’étrange où ton arrière grand-père était notaire. Belle coïncidence : nous avons un point commun, la Creuse est déjà dans notre coeur, avant de se connaître. Nous débarquons à la Nouaille en 2015. En vacances pour commencer. Jean-Pascal, Marie-Laure : vous y êtes sûrement pour quelque chose. Nous nous sentons assez rapidement bien accueilli, notamment par un Jean-Marie et Yasmina. Puis Siméon, Madeleine et Irène voient le jour, le covid passe par là et nous n’avons pas vraiment les moyens de rester sur Lyon et un besoin d’espace, de terre, de vert se fait aussi ressentir. Vient le déménagement il y a un eu plus de deux ans. Les planètes semblent bien alignées. Aleth, tu trouves un poste à l’école de Gioux et moi, j’ai ma place pour deux ans en formation à la Cité de la tapisserie. Vient le temps de l’acclimatation où chaque chose doit trouver sa place. C’est au début très franchement avec une certaine lassitude que j’entame cette formation. Revenir à nouveau à l’école à quarante ans, et pour deux ans ! Et en même temps, en arrivant en Creuse, c’est comme une piste de lancement, des occasions de rencontre, une acclimatation progressive dans le monde de la tapisserie, son histoire et toute la complexité de ce savoir-faire. Merci Alice d’avoir incarné pour nous cette modernité et cette fraîcheur de la tapisserie toujours consciente de sa longue et riche histoire. J’y ai deviné l’enjeu d’une cohérence, d’une continuité. J’espère garder longtemps ce lien avec ce laboratoire de vie qu’est la Cité où je me suis senti encouragé, notamment par toi Emmanuel. Je ne compte plus le nombre de fois où tu m’as demandé si j’étais installé. Je peux enfin te répondre oui, aujourd’hui. J’espère bien-sûr remporter un jour un appel d’offre de la Cité. Sur tes conseils, j’ai appelé Paris Match pour qu’ils couvrent l’événement, mais ils ne semblaient pas intéressés ! Jean-Philippe, j’ai toujours aimé te croiser dans les couloirs de la Cité et surtout jouer avec ton chien, je crois qu’il m’aimait bien. Merci pour nos échanges réguliers, simples et très fraternels. Je souhaite aussi saluer mes enseignants, à nouveau France-Odile, Delphine, Christian et Chloé. Delphine, je garde encore aujourd’hui ta manière unique de parler des couleurs. Et tu peux redire à Sylvain que sa viande de porc est extraordinaire, et que nlus resterons client encore longtemps. Mon défaut principal est de vouloir aller vite. Je crois avoir un peu progressé. Il reste beaucoup à apprendre. Je n’hésiterai pas à revenir vers vous. Merci à mes camarades, Florence, Margot, Céline et Frédérique ici présentes, pour les connivences plus ou moins appuyées, pour ce bout de chemin passé ensemble. La porte de l’atelier est ouverte. Mention spéciale pour Charlotte, merci pour nos partages en profondeur, en confiance, pour la rencontre de nos sensibilités et de nos curiosités. En cours de route, mon voisin de métier, Didier, me parle d’une de ses semaines de stage passée à Dourgne dans le sud de la France sur les traces de Dom Robert, moine à l’abbaye de d’En Calcat, peintre cartonnier au XXième siècle. Il me confie finalement avoir rencontré un moine de cette communauté qui s’est particulièrement occupé de l’oeuvre de Dom Rober, frère David, en me glissant qu’il est lui-même artiste. Il se passe alors quelque chose en moi, ce genre de déplacement intérieur rempli de promesse. Rencontrer un moine aujourd’hui, c’est retrouver les parfums de la vie que j’ai tant désiré et à laquelle j’ai renoncé. Tu incarnes David cet équilibre que je cherche à atteindre, entre fond et forme, entre beauté et vérité. Te rencontrer aura aussi été me replonger dans mon enfance et l’histoire de ma famille. Mon grand-père a été scolarisé à En-Calcat. Je viens à Dourgne depuis que je suis petit pour rencontrer une certaine abbesse Marie-Sabelline qui nourrir rencontre après rencontre mon fétichisme pour les croix. Finalement, c’est en apprenti licier que je suis édifié devant cet amitié que la communauté entretient avec Aubusson, depuis longtemps, qui me donne le sentiment de m’inscrire pleinement dans une histoire, à plus d’un titre. Quelque chose de ma vie s’est tramé à Dourgne, il n’y a plus de doute. Enfin, tout cela n’aurait pas vraiment de poids si il n’y avait pas une œuvre en vis-à-vis de laquelle je désire cheminer, une œuvre que je souhaite vivement interpréter, ta grande aventure de la couleur, cette grande aventure du regard en mouvement et que tu suggères aquarelle après aquarelle, avec une palette de couleur unique, douce et bienfaisante. Et les fils souterrains ne manquent pas pour trouver une profonde motivation. Commence alors entre nous un dialogue passionnant, fait de couleurs et de mots vibrant, amoureux. C’est justement cette alliance de mots et de couleurs avec laquelle je me retrouve beaucoup. Je voudrais à présent lire un petit passage de ton livre Âme sœur. Tu ne m’en voudras pas de te faire un peu de pub. C’est pour la bonne cause. « Rappelle-toi. Retourne dans l’antichambre. Avant la salle des métiers, il y a la pièce aux écheveaux avec la réserve de laines, la cour des teinturiers, et puis l’ourdissoir, où l’on prépare la chaîne. Ces deux pièces, ce sont tes oreilles, l’antichambre de ta bouche. L’une pour le silence, l’ourdissoir, l’autre pour écouter l’infinie richesse des mots, des langues, des personnes. Quand le métier est au bord de la rupture, descend de ton banc, va refaire des provisions dans l’antichambre, filer, préparer les bobines, nettoyer, ranger, classer les laines. Dans la pièce aux écheveaux, émerveille-toi. Ce beau rouge, ce bleu soyeux, tout ce vocabulaire disponible. Ecoute, choisis avec ton coeur. Non, toutes ces laines, toutes ces paroles ne sont pas égales ! Ouvre les fenêtres, regarde la cour. Va chez le teinturier, refais quelques achats, cherche la plus belle des laines. La source de la parole n’est pas en toi. Ecoute et lis, ouvre tes yeux et tes oreilles. Le monde entier se donne à déchiffrer. » Merci David pour ce cadeau de ta présence à mes côtés en ce jour. Et je suis ravi que Marie-Claude soit parmi nous ce soir comme un signe de continuité, Marie-Claude que tu as connu dans les années 2000 au temps de l’atelier de la Beauze, autour du retissage de tapisseries de Dom Robert. Marie-Claude, l’aventure continue. Le teinturier dont il est question dans ton texte David, je l’ai trouvé. Clément Talavera. Tu travailles aussi dans ta grange à quelques kilomètres d’ici dans la laine et les couleurs. Nos enfants sont dans la même classe. On joue dans le même club de tennis de table, on fréquente le même club sado masochiste à Aubusson, ça fait beaucoup de points communs tout ça quand même. A très bientôt pour de nouveaux projets. A la suite de frère David, comme motif d’émerveillement, je rajouterai les outils pour tisser, en particulier le grattoir. Je rencontre un jour Martine à la galette des rois de La Nouaille. J’apprends que tu as été licière chez Pinton pendant de nombreuses années. Tu finis par me donner ton poinçon, ton peigne et surtout ton grattoir patiné, une splendeur. Merci Martine, il y a véritablement là précisément un avant et un après Martine. Merci à toi. Le projet de créer mon atelier est présent dès le début de la formation. C’est une aventure qui m’attire beaucoup. C’est un peu le moment ou jamais. Je cherche un nom d’atelier. Je me tourne vers toi Jean-Marie, vers l’occitan qui fait aussi partie de mes racines. Je prends plaisir à lire un poème sur la tapisserie de la Dame à la Licorne. Je m’arrête sur une première expression et une première sonorité qui m’interpelle « Teissut d’aurora », tissé d’aurore, mais bon, c’est pas facile à dire. Et puis vient la Rantiala. Ça sonne comme une évidence. Toile ou voie lactée, mais également une partie du corps humain : tout un programme, tout un poème. J’attends toujours le bulletin d’adhésion à l’Institut d’Etudes Occitanes du Limousin. Merci Jean-Marie, cela a beaucoup de sens pour moi, et je sais pour Aleth aussi ce nom de d’atelier vienne de toi. Bon, un nom d’atelier ne fait pas tout. Il manque un espace dédié. Plusieurs hypothèses : accepter un commodat d’occupation, une mise à disposition d’un premier étage de maison, sur la grande place de Vallières, mais dans son jus, avec tous les frais de rénovation à ma charge », je décline rapidement, puis il a été question d’ aménager le premier étage du hangar face à la maison. Les travaux sont trop importants, trop de frais à prévoir. Je me tourne vers la grange, d’abord le rez de chaussée, dans l’étable, puis l’idée vient de mon conseiller en travaux préféré, Jean-Marc Barlaud, qui me suggère d’aménager le premier niveau de la grange en créant un caisson isolé, sorte de petite boîte dans la grande boîte. Et merci Rémi d’avoir été présent à mes côtés dans ces moments-là pour accueillir et échanger autour de ce projet. Tu es un frère. Je vais rapidement passer en mode buldozer. Commence le travail plutôt ingrat de vider la grange de l’épaisse couche de vieux foin ultra poussièreux. Il s’agit alors de mettre à nu tout le solivage en vue de rattraper le niveau. Il faut alors déclouer le vieux plancher. En parallèle, la conception du caisson s’organise, orchestré d’une main de maître par le ponceur de rondin. Ovation. J’ai beaucoup appris à tes côtés et on a bien rigolé. Je me souviendrai longtemps d’une question qui a jaillit un beau matin : « c’est quoi pour toi la différence entre le paradis et la réincarnation ? ». Quelque chose comme ça. Je garde ce petit moment matinale comme une bouffée d’oxygène, comme un philosophe qui s’invite au milieu d’un champ de bataille. J’espère que nous aurons d’autres occasions pour échanger…au paradis. Un grand merci encore à Rémi pour ton aide fraternel et ce transport de bois mémorable. Le chantier avance bien. On s’occupe d’abord d’isoler le sol. Merci à Arnaud pour cette séance de sport dans l’ancien poulailler. Puis Julien t’a relayé quelques jours plus tard pour poser d’autres plaques OSB pour recouvrir l’isolant, puis Florent a tu as débarqué pour m’aider à souffler la ouate. Enfin, pou terminer la première phase des travaux et juste avant de partir en vacances, merci à toi Julien pour cette manutention, cette mise en ordre du chantier. Une fenêtre est percée au milieu de l’été. Merci à ton ami Joan, disponible au bon moment. Puis, la dernière phase, la construction du caisson. L’espace de l’atelier se dessine peu à peu. Vient le temps de l’habillage, de l’isolation. Merci Christian pour cette matinée, à visser a plafond, des plaques de 3 mètres par 1 mm 20 grâce à ton ingénuosité, ton petit matériel fort précieux et pour cette vis que tu m’as rendu lors de l’entraînement au tennis de table. Une seule vis manque et tout est dépeuplé. Mille mercis à Patrick, le papa d’Aleth pour toute la partie électricité, lui aussi un ange qui est arrivé au bon moment. Merci pour votre aide et votre amitié. Merci Marien pour le site internet, ton accompagnement, cette vitrine indispensable aujourd’hui pour présenter largement mon itinéraire, mes réalisations, mon actualité et mes projets. Ce site devient pour moi un lieu privilégié pour exprimer toute la ferveur que je souhaite communiquer à travers mon travail. Dans la perspective de cet événement, merci Nadine , mairesse de la Nouaille, pour tes petits coup de pouce pour que la fête soit belle et retentisse. J’espère à présent, de tout coeur, saisir les occasions d’ouvrir cet atelier sur l’extérieur tout en évitant la dispersion. Que ce lieu de création, d’interprétation, mais aussi d’échanges et de rencontres participe à la vitalité du territoire, à la croissance de notre réalité commune. Merci d’être là aujourd’hui