
Extrait du discours d’inauguration
En cours de route, mon voisin de métier à la Cité de la tapisserie, Didier, me parle du stage qu’il a passé à Dourgne dans le sud de la France sur les traces de Dom Robert, moine à l’abbaye de d’En Calcat, peintre cartonnier au XXième siècle. Il me confie finalement avoir rencontré un moine de cette communauté qui a particulièrement porté l’héritage de Dom Robert, frère David, en me glissant qu’il est lui-même artiste. Il se passe alors quelque chose en moi, ce genre de déplacement intérieur rempli de promesse. Rencontrer un moine aujourd’hui, c’est retrouver les parfums de la vie que j’ai tant désiré et à laquelle j’ai renoncé. Tu incarnes David cet équilibre que je cherche à atteindre, entre fond et forme, entre beauté et vérité. Te rencontrer aura été aussi l’occasion de me replonger dans mon enfance et l’histoire de ma famille. Mon grand-père a été scolarisé à En-Calcat. Je viens à Dourgne depuis que je suis petit pour rencontrer une certaine abbesse Marie-Sabelline qui nourrir rencontre après rencontre mon fétichisme pour les croix. Finalement, c’est en licier que je suis édifié devant cet amitié que la communauté entretient avec Aubusson, depuis longtemps, qui me donne le sentiment de m’inscrire pleinement dans une histoire, à plus d’un titre. Quelque chose de ma vie s’est tramé à Dourgne, il n’y a plus de doute. Enfin, tout cela n’aurait pas vraiment de poids si il n’y avait pas une œuvre en vis-à-vis de laquelle je désire cheminer, une œuvre que je souhaite vivement interpréter, ta grande aventure de la couleur, cette grande aventure du regard en mouvement et que tu suggères aquarelle après aquarelle, avec une palette de couleur unique, douce et bienfaisante. Et les fils souterrains ne manquent pas pour trouver une profonde motivation. Commence alors entre nous un dialogue passionnant, fait de couleurs et de mots vibrant, amoureux. C’est justement cette alliance de mots et de couleurs avec laquelle je me retrouve beaucoup. Je voudrais à présent lire un petit passage de ton livre Âme sœur.
« Rappelle-toi. Retourne dans l’antichambre. Avant la salle des métiers, il y a la pièce aux écheveaux avec la réserve de laines, la cour des teinturiers, et puis l’ourdissoir, où l’on prépare la chaîne. Ces deux pièces, ce sont tes oreilles, l’antichambre de ta bouche. L’une pour le silence, l’ourdissoir, l’autre pour écouter l’infinie richesse des mots, des langues, des personnes. Quand le métier est au bord de la rupture, descend de ton banc, va refaire des provisions dans l’antichambre, filer, préparer les bobines, nettoyer, ranger, classer les laines. Dans la pièce aux écheveaux, émerveille-toi. Ce beau rouge, ce bleu soyeux, tout ce vocabulaire disponible. Ecoute, choisis avec ton coeur. Non, toutes ces laines, toutes ces paroles ne sont pas égales ! Ouvre les fenêtres, regarde la cour. Va chez le teinturier, refais quelques achats, cherche la plus belle des laines. La source de la parole n’est pas en toi. Ecoute et lis, ouvre tes yeux et tes oreilles. Le monde entier se donne à déchiffrer. »
Le projet de créer mon atelier est présent dès le début de la formation. C’est une aventure qui m’attire beaucoup. C’est un peu le moment ou jamais. Je cherche un nom d’atelier. Je me tourne vers toi Jean-Marie, vers l’occitan qui fait aussi partie de mes racines. Je prends plaisir à lire un poème sur la tapisserie de la Dame à la Licorne. Je m’arrête sur une première expression et une première sonorité qui m’interpelle « Teissut d’aurora », tissé d’aurore, mais bon, c’est pas facile à dire. Et puis vient la Rantiala. Ça sonne comme une évidence. Toile ou voie lactée, mais également une partie du corps humain : tout un programme, tout un poème. J’attends toujours le bulletin d’adhésion à l’Institut d’Etudes Occitanes du Limousin. Merci Jean-Marie, cela a beaucoup de sens pour moi, et je sais pour Aleth aussi ce nom de d’atelier vienne de toi.